C’est en piochant dans sa trousse (tout en roulant ses rimes riches) que Dodo-la-Bravoure a sévi. Un beau garçon à l’œil bleu, dont il ne suffit pas de dire qu’il est grand, tant il est haut. Il a composé à l’aube un poème d’amour pour la bien-aimée. Ses camarades frémissent en m’annonçant qu’il compte, en ce jour de Saint-Valentin, le réciter à la belle indifférente. A mon embarras, on oppose l’argument imparable selon lequel nous traitons en ce moment de « l’objet trois, la poésie... »
Droit sur l’estrade Dodo-la-Bravoure déploie son madrigal sans battre un cil : il y est question de chevelure flamboyante qui hante, de citadelle dont la porte jamais ne s’ouvre, et de lui, prêt à « toutes les joutes ». On l’applaudit chaudement, ainsi que la récipiendaire pourtant demeurée inaccessible en son donjon. Moment intense.
C’est qu’on admire Dodo. Il fallait le faire. Tout : écrire le poème, le dire « direct » à la fille, et devant tout le monde (au tout début du cours du prof devenant une clause annexe) ! Les couloirs bruissent de l’exploit ; le poète magnifique rejoint sa table, sa solitude, et sa trousse.
L’amour reste l’avenir du papier.
La trousse minimaliste, d’un noir austère. Sa jumelle en modèle mou, de celui-qui-s’en-fout-de-tout, avec son crayon épointé, son quatre couleurs mâchonné, où roule une vague gomme. Je ne crois plus y voir le pliage des petits mots doux, ni le style plume or offert par le grand-père.
Les trousses des coquettes ressemblent à leur homologue des rayons maquillage ; les revendicatifs affichent initiales précieuses et mini-tags de connivence. Il y a la trousse altermondialiste en tissu péruvien éthico-ethnique.
Ils en ont toujours. Ils l’ont encore. Les lycéens dont on dit qu’ils passent en moyenne 4h30 devant les écrans - encore ce calcul exclut-il le téléphone – ne lâchent pas l’humble trousse. L’industrie papetière rivalise même d’inventions pour la gonfler de marqueurs en tous genres, effaceurs en roller et en rouleau.