Le plus grand se tient à la barre des adultes, l’air au-dessus de tout. Il supporte un bonnet de ski à l’ancienne en grosse laine bleu marine. Les fibres l’ont toujours gratté, il fait des comédies pour y couper, il a sauvé un centimètre d’air à la racine des cheveux, il n’en est pas peu fier : son adolescence commence là.
Le deuxième, plus jeune, les yeux creusés de s’être levé tôt, porte un bonnet noir. En lettres blanches, une mention imitée de l’écriture manuscrite, signée d’un maître connu du siècle dernier : « Imagination débordante. » Le genre à nous faire plus tard une Seconde agitée. Ses dents en chantier semblent prémonitoires.
Le troisième petit s’est laissé tomber sur la banquette ; il contemple les plaques métalliques qui font office de jointures entre les wagons. L’ajustement des métaux quand le métro vire, freine, repart, il ne s’en lasse pas. Son bonnet est à la limite de la catégorie : en daim synthétique, il frôle la visière, joue avec la casquette sans en être. Une tête de cheminot gondolé.
A ses côtés, la coquette. Un visage si délicat qu’on oublie ce fade bonnet rose orné d’une fleur de velours. Manteau cintré, jolis collants, bottines cirées, tout va avec, et puis le regard grave, la patience apprise. Le bonnet de la chouchoute éternelle. Les gens lui sourient des yeux.
Pour la dernière, la rêveuse, un cône en polaire beigeasse qui sent son lendemain de grippe. Elle s’en fiche bien de mettre en valeur la virgule de la marque. On peut dire qu’elle a un bonnet, en aucun cas qu’elle ne le porte. Tout en elle dit : on m’a expliqué que j’étais de bonnet aujourd’hui, mais sachez que je ne suis en rien concernée par la chose.
Châtelet. Branle-bas de combat, tout le monde descend. Sur le quai les bonnets s’agglutinent en pétanque autour de la mère cochonnet. Les portes claquent, emportant loin de moi, d’un coup de sécateur citadin, les têtes en bouton de la jeunesse coiffée.