Il y a, à chaque époque, des formules répétées. « Choc de compétitivité » est un de ces mantras du moment, avec sa variante adoucie, « le pacte ».
C’est à qui ira de son « choc de compétitivité » pour ranimer de son électronarcose économique la vieille Europe et l’Occident fatigué. Soyez com-pé-ti-tif ou cessez d’être, sans qu’on s’arrête à la validité de cette concurrence même, la nature de son évolution, sa condition et ses limites. Drôle et navrant d’entendre l’incantation proférée comme remède par ces experts de haut vol, financiers de tous lobbies et autres industrieux transnationaux, ceux-là même qui ont propagé la maladie et s’en sont enrichis. Soyez com-pé-ti-tif, ira-t-on répéter dans nos régions désindustrialisées, sites délocalisés, aux ouvriers désaffectés, emprunteurs désargentés, employés désemployés : encore un effort pour être Chinois, dira-t-on aux petits-enfants de Germinal.
« Choc ». Pas « démarche » ni « processus » de compétitivité, non, pensez donc, le temps presse. L’image est violente, qui peut s’entendre de deux manières. Soit on trouve vite fait bien fait une mesure radicale, dont l’efficacité brutale et immédiate évoque la saignée des médecins de Molière. Soit on qualifie par là l’étape suivante quand, à nouveau aptes à la concurrence, nous avancerons muscles bandés dans l’arène des marchés - ça va saigner aussi. Choc de contusion, choc de collision, dans tous les cas le mot fait passer la guerre dans l’écume des polémiques. La vigoureuse entame est suivi du terme « compétitivité », qui piétine de la dentale et entraîne plus d’un commentateur à s’emmêler les syllabes. Le pétard initial fait long feu : il n’est pas exclu qu’avec le phénomène il en aille de même.
On me dira que cela ne relève pas de mes compétences, que je devrais m’abstenir de ratiociner le vocable quand d’autres se coltinent la chose. C’est de votre faute, si j’en suis réduite là : vous avez manqué de compétitivité persuasive au niveau du choc verbal.
« Retourne à tes bouquins ! » On ne saurait me faire plus plaisir.